Phénomènes physiologiques de la descente en trail
Le traileur, quelle que soit sa corpulence, n’est pas une boule qui roulerait sur un plan plus ou moins incliné. Il lui faut donc fournir une énergie mécanique, et par conséquent métabolique, à chaque foulée. Il s’agira en l’occurrence pour le coureur de lutter contre la pesanteur, c’est-à-dire de « freiner le mouvement » à chaque appui. Dès lors, les muscles se contractent tout en s’étirant, ce qui fait appel à la contraction musculaire excentrique.
Les contractions excentriques
Tout traileur a déjà vécu ce moment où les descentes lui semblent plus éprouvantes que les montées. En effet, la particularité des contractions excentriques est qu’à la longue (fonction de la durée et de l’intensité de l’exercice, mais également de l’entrainement du coureur) elles provoquent des dommages structuraux. L’examen du tissu musculaire des jambes de marathoniens a confirmé de graves lésions des fibres musculaires. Après des exercices très intenses, les concentrations d’enzymes musculaires dans le sang peuvent être multipliées par 10. Cela suggère bien, comme le démontre la vue en microscopie ci-dessous, qu’il y a une rupture de la membrane cellulaire dans la fibre (sarcolemme).
Rupture du sarcolemme (Wilmore, Costill, & Kenney, 2009)
Au passage, on notera que ces lésions sont en grande partie responsables du phénomène de douleurs musculaires différées (les fameuses courbatures) ainsi que parfois des œdèmes associés.
On comprend aisément qu’un muscle présentant de telles lésions perdra de son efficacité dans les efforts suivants. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles le traileur calme le jeu, non pas dans la première côte, mais dans la première côte consécutive à une descente particulièrement éprouvante.
Tout ce qui ne tue pas rend plus fort
Les initiés connaissent évidemment ce phénomène de destruction musculaire. Il est maintenant admis qu’une bonne préparation à une course ne peut faire l’impasse sur des séances où l’on va, comme on dit dans le jargon, « casser de la fibre ». Entendons-nous, il ne s’agit pas de faire du vandalisme gratuit, mais bien de casser pour renforcer.
Afin d’expliquer ce phénomène, il a récemment été proposé que les lésions musculaires provoquaient l’activation de cellules dites « satellites ». Sans entrer dans les détails dans cet article, ces cellules participeraient à la myogenèse ou construction musculaire, soit en renforçant la fibre musculaire (hypertrophie), soit en produisant de nouvelles fibres musculaires (hyperplasie), phénomène beaucoup plus controversé. Le schéma ci-dessous démontre ce mécanisme.
Reconstruction musculaire suite à la lésion des fibres (Wilmore, Costill, & Kenney, 2009)
G.Millet (« Ultra-trail : plaisir, performance et santé », 2012) nomme ce renforcement des fibres musculaires l’ « effet protecteur » des courbatures, tout en précisant que ces adaptations pourraient être liées à d’autres phénomènes (commande nerveuse, suppression des sarcomères les plus fragiles).