Quand utiliser la musculation excentrique?
Dans certaines activités sportives la musculation excentrique, hyper dévastatrice, est peu utilisée. En effet, les bénéfices peuvent survenir dans des délais différents selon les athlètes : « l’impossibilité d’évaluer le délai d’adaptation avant d’atteindre la surcompensation est un facteur discriminatoire invoqué par les meilleurs athlètes de force » (Legeard ; 2004). D’accord, mais quand on veut réaliser ces séances non pas pour gagner en force maximale mais pour bénéficier de l’effet protecteur, on programme ces séances quand ?
A partir de quand ?
On peut débuter ces séances dès le début de saison, à partir du moment où l’on respecte le principe de progressivité. Pour les novices, cette progressivité pourra passer par des exercices sans matériel. Au bout de quelques séances, pour une musculation efficace, le traileur pourra se mettre à soulever de la fonte, en respectant les préconisations étudiées auparavant.
Jusqu’à quand ?
La réponse est plus problématique lorsqu’on aborde la question suivante : jusqu’à quand réaliser des séances excentriques ? Plusieurs considérations sont à prendre en compte pour la planification de ce type d’entrainement :
- Dans le domaine de la préparation physique pour des sports de force et d’explosivité, on considère généralement que les effets retardés de la méthode excentrique sont de l’ordre de 6 à 12 semaines (G.COMETTI, « les méthodes modernes de musculation »). Mais est-ce le même délai pour le trail ?
- De façon plus rationnelle, le schéma ci-dessous illustre la séquence des événements qui suivent un entrainement excentrique intense : douleur, œdème, élévations des enzymes plasmatiques marqueurs des dommages musculaires (créatine kinase et 3 méthyl-histidine), déplétion (épuisement) en glycogène, lésions ultrastructurales du muscle, faiblesse musculaire. Il est confirmé l’apparition d’une douleur « différée » ressentie 24 à 72h consécutivement à l’effort. Douleur d’ailleurs liée à l’apparition de l’œdème (réaction inflammatoire) qui va compresser des fibres sensibles aux modifications musculaires. Mais ce qui est à retenir est ailleurs. Ce que nous percevons surtout ici, c’est qu’il ne faut pas se fier à ses douleurs ! L’inertie des autres mécanismes est différente de celle de la douleur. En effet, la faiblesse musculaire est ressentie jusqu’à 14 jours après une séance excentrique intense. Quant aux dommages structuraux, ils mettent jusqu’à 21 jours pour se résorber.
Séquence des événements suivant un entrainement excentrique intense (d’après : W.J. Evans & J.G. Cannon, « the metabolic effects of exercise induced muscle damage, Exercise and Sport Sciences Review 19, 1991)
- A l’inverse, des études montrent que les bénéfices de l’effet protecteur ne se font ressentir que jusqu’à 8 semaines.
L’effet protecteur est durable jusqu’à 8 semaines (Nosaka et al ; 2005 in G.Millet Ultra-trail : plaisir, performance, santé)
Au regard de ces différents arguments, pour que la surcompensation soit optimale, la dernière séance excentrique doit être placée entre 8 et 3 semaines avant la course objectif et fonction de la capacité de récupération de l’athlète.
Planification de la musculation excentrique en trail
Musculation excentrique et Week-end choc
Pour préparer les muscles des membres inférieurs aux descentes, rien de tel que des week-ends chocs (WEC). Ces mini-stages en montagne où l’on cumule kilomètres et dénivelée font désormais partie de toute bonne préparation. Et il se trouve justement que la plupart des coachs proposent de réaliser ces WEC 3 semaines minimum avant la course objectif. Tiens, comme par hasard ! Il y aurait donc une corrélation entre mesure de la dégradation musculaire et ressenti du traileur. En fonction de la vitesse de récupération du coureur, les séances en excentrique devront être stoppées 3 à 2 semaines avant le WEC. Ceci permettra au coureur de retrouver au minimum toute sa force musculaire, même si les lésions structurales ne sont pas complétement résorbées. On comptera sur les 3 dernières semaines d’avant course pour obtenir une hypercompensation.
Planification de la musculation excentrique en fonction du WEC en trail
En conclusion :
- Rien de remplacera un WEC en montagne pour “casser de la fibre” au regard du dénivelée négatif avalé ;
- Ces WEC étant couteux sur le plan énergétique et parfois financier, il n’est pas possible d’en effectuer à chaque course. Autour du trail, on peut donc se préparer avec des séances de musculation excentrique (avec ou sans matériel).
- Dans la programmation, il faudra veiller à respecter un délai de 3 semaines minimum entre la dernière séance de musculation excentrique intense et la course objectif.
- Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas réaliser ce genre de séance si on réalise un WEC dans sa préparation. Au contraire, des séances en excentrique placées en amont du WEC permettront de préparer le traileur à ce dernier. Il optimisera ainsi son déplacement en montagne. Dans ce cas, un délai de 14 jours minimum semble raisonnable. Les dommages musculaires sont encore visibles mais le traileur n’aura plus de douleur et aura retrouvé sa force musculaire.