Trail et électrostimulation
Gadget pour certains, dopage pour d’autres ! Il n’empêche, force est de constater que l’électrostimulation est de plus en plus présente autour du trail. A tort ou à raison ?
L’électrostimulation et la préparation aux descentes
Nous avons déjà abordé ce thème dans un précédent article : une étude a montré qu’une séance d’électrostimulation était bénéfique pour préparer le traileur aux efforts excentriques si destructeurs provoqués par les descentes. En effet, une seule séance a provoqué des courbatures chez tous les coureurs. Courbatures qui ne se sont pas faites ressentir lors d’une seconde séance quelle qu’elle soit :
- de l’électrostimulation pour un groupe ;
- un entrainement en descente pour l’autre groupe (cf magazine Zatopek n°31).
Ces résultats prouvent bien que les muscles des traileurs étaient plus résistants suite à une séance d’électrostimulation.
Guillaume Millet (Ultra-trail : plaisir, performance, santé ; 2013), tout en précisant que le dénivelé négatif est plus efficace que l’électrostimulation, confirme qu’elle provoque le fameux « effet protecteur » lié à la reconstruction musculaire. Il appuie son illustration en évoquant l’exemple d’un coureur de plaine ayant inclut l’électrostimulation dans sa préparation…et qui avait tout de même terminé 6ème à l’UTMB.
A titre personnel, je pense qu’une bonne préparation aux descentes doit comprendre dans l’ordre de priorité :
- du dénivelé négatif. Après tout, c’est en descendant qu’on devient descendeur !
- de la musculation excentrique (voir articles à ce sujet) ;
- de l’électrostimulation.
A chacun d’employer sa méthode en fonction de ses objectifs et possibilités, l’idéal étant bien entendu d’utiliser les trois en complémentarité !
L’électrostimulation et la préparation aux montées
Plusieurs études (lire à ce sujet l’excellent ouvrage de G.MILLET ; Ultra-trail : plaisir, performance, santé ; 2013) confirment que des séances d’électrostimulation augmentent la force musculaire des athlètes après quelques semaines d’entrainement. On rappelle une fois de plus que cette méthode n’est pas aussi efficace que la musculation traditionnelle. Mais reconnaissons-lui quelques avantages :
- les fibres musculaires sollicitées lors de l’électrostimulation ne sont pas les mêmes que lors d’une contraction volontaire (Hainault.K et J.Duchateau ; Neuromuscular electrical stimulation and voluntary exercise ; 1992) ;
- lors d’une contraction volontaire, notre système nerveux organise, par souci d’économie, des rotations dans le travail des fibres. A l’inverse, l’électrostimulation sollicite toujours les mêmes fibres : celles situées à proximité des électrodes.
Autour du trail, l’électrostimulation s’impose donc comme un excellent complément, voire substitut au travail de force !
Electrostimulation et endurance
La contraction musculaire volontaire est régie par ce qu’on appelle la loi de recrutement, étudiée par ailleurs : les fibres lentes (I) sont d’abord sollicitées. Si l’effort s’intensifie, les fibres intermédiaires (IIa) puis rapides viendront en soutien, comme l’illustre le schéma ci-dessous.
Le principe de recrutement des fibres
Mais nous l’avons déjà précisé : l’électrostimulation sollicite d’autres fibres. En l’occurrence, elle a la capacité de solliciter les fibres rapides, même à basse fréquence. Or la répartition entre fibres I, IIa et IIb n’est pas figée pour toujours. Le schéma de transformation des fibres de Howald ci-dessous montre notamment qu’avec un entrainement approprié, un sprinteur pourra devenir un jour ultra-traileur, alors que l’inverse sera beaucoup plus difficile.
Schéma de transformation des fibres de Howald
Et bien en sollicitant les fibres rapides à basse fréquence, des études montrent que l’électrostimulation va pouvoir les rendre plus endurantes (Theriault R et al. Electrical stimulation-induced changes in performance and fiber type proportion of human knee extensor muscles ; 1996).
Soyons objectifs, l’électrostimulation n’agit que très localement et n’a pas d’effets sur la fonction cardio-vasculaire. Mais une fois de plus, autour du trail, cette méthode sera un excellent complément à l’entrainement.
Electrostimulation et récupération
Les constructeurs mettent en avant les bénéfices de l’électrostimulation en matière de récupération. Entres autres arguments, cette méthode permettrait la libération d’endorphine. Qu’en est-il en réalité ?
Le programme « récupération » de l’électrostimulation provoque des contractions brèves et peu intenses sensées favoriser l’irrigation sanguine. Mais pas plus que pour le massage, les bénéfices de l’électrostimulation en matière de récupération n’ont jamais été démontrés scientifiquement (G.MILLET, Ultra-trail : plaisir, performance et santé ; 2013). Sur le plan physiologique en tout cas : ni élimination de l’acide lactique, ni diminution des courbatures ! Sur le plan psychologique, on peut tout de même ressentir un effet relaxant ! Alors après tout, il n’y a pas de mal à se faire du bien, même si ce n’est que dans la tête !
Electrostimulation et douleur
Le programme d’électrostimulation anti-douleur à basse fréquence a pour principe de « bloquer la transmission de la douleur par le système nerveux ». Sceptique ? Pourtant, la méthode est scientifiquement prouvée (magazine Sport et Vie n°141). Et les arguments avancés par le principal constructeur sont qu’il s’agit d’une méthode non médicamenteuse et dépourvue d’effets secondaires. Quand on connait les conséquences des anti-inflammatoires (AINS) sur la perméabilité intestinale (Lambert, Boylan et al. 2007 in magazine Sport et Vie n°117), on ne peut qu’approuver cette méthode palliative.
A titre personnel, j’ai pu faire l’expérience de cette efficacité lors d’une entorse de cheville. Pas d’hypocrisie non plus, la douleur n’a pas disparue du jour au lendemain, mais l’électrostimulation associée au glaçage m’a procuré un effet antalgique certain.
Electrostimulation et immobilisation
En cas d’immobilisation pour cause d’entorse, claquage, fracture ou autre blessure, la fonte musculaire peut représenter jusqu’à 500g (Hortabagyi et al ; 2000) … par jour ! Quand on pense à tous les efforts à produire pour prendre de la masse maigre, on comprend qu’il est important de limiter l’atrophie dès les premiers instants ! Dès lors, l’électrostimulation peut-elle remplir cette tâche ?
En réalité, les stimulations de basse fréquence et d’intensité moyenne n’empêchent pas réellement la fonte musculaire. Mais elles limitent tout de même le phénomène ! En revanche, elles semblent plus efficaces sur la conservation des propriétés contractiles du muscle (Maffiuletti ; 2013) ! Et puis, hormis de la kinésithérapie, nous n’avons pas 40 solutions à notre disposition. Alors autant s’y mettre…
Conclusion
En définitive, l’électrostimulation n’est pas la méthode miracle qui va faire du traileur une bête de course. L’image d’Epinal du pseudo-sportif se dessinant des tablettes de chocolat en regardant la télévision a vécu. L’électrostimulation est un entrainement à part entière qui nécessite pour être efficace efforts et régularité. C’est à ce prix-là seulement qu’elle sera efficace et trouvera un sens autour du trail.